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Kurdes

Les Kurdes sont aujourd'hui 35 millions, liés par une culture commune mais vivant écartelés entre quatre États : Turquie, Irak, Iran et Syrie, ainsi qu'à l'étranger. En effet, près de 2 millions d'entre eux ont dû émigrer, et se considèrent en exil, au sein de la diaspora kurde. L’aspiration à un État propre a toujours été très forte dans l’ensemble du Kurdistan et s'est maintenue en dépit de multiples répressions.

Tous les Kurdes partagent des dialectes issus du kurde, langue indo-européenne de la branche iranienne, et une culture et une histoire communes.

Seul le Kurdistan irakien jouit d'un statut autonome, partout ailleurs les revendications kurdes sont ignorées ou bafouées.

Les Kurdes appartiennent au rameau iranien de la grande famille des peuples indo-européens. L'ère kurde est datée de 612 avant J.C, et ce sont les Mèdes qui fondent un empire, en Assyrie, Iran et Anatolie. Ce règne des Mèdes s'achèvera vers le milieu du VIème siècle av. J.C., mais leur religion et leur civilisation domineront l'Iran jusqu'à l'époque d'Alexandre le Grand. On est un peu dans le flou sur ce passé lointain-

Après avoir opposé une résistance farouche aux invasions arabo-musulmanes, les Kurdes finirent par se rallier à l'islam, sans pour autant se laisser arabiser. Cette résistance s'étala sur près d'un siècle.

A la faveur de l'affaiblissement du pouvoir des califes, les Kurdes qui jouaient déjà un rôle de premier plan dans le domaine des arts, de l'histoire et de la philosophie, commencent à affirmer dès le milieu du IXème siècle leur propre puissance politique. Mais le cours de l'histoire est bouleversé par les invasions massives des peuplades déferlant des steppes de l'Asie centrale. Puis ce sont les invasions turco-mongoles du XIIIème siècle.

Dans la deuxième moitié du XVème siècle le pays kurde va prendre forme comme une entité autonome, unie par sa langue, sa culture et sa civilisation mais politiquement morcelée en une série de principautés. Cependant, la conscience d'appartenir à un même pays est vive, au moins parmi les lettrés.

Au début du XVIème siècle le pays kurde devient l'enjeu principal des rivalités entre les empires ottoman et perse. Placés devant le choix d'être un jour ou l'autre annexés par la Perse ou d'accepter formellement la suprématie du sultan ottoman en échange d'une très large autonomie, la plupart des dirigeants kurdes optèrent pour cette seconde solution. Ce statut particulier assura au Kurdistan près de trois siècles de paix.

La société kurde aborda la Première Guerre Mondiale divisée, décapitée, sans projet collectif pour son avenir. En 1915, les accords franco-britanniques dits de Sykes-Picot prévoyaient le démembrement de leur pays.

Le clivage s'est accentué au lendemain de la défaite ottomane face aux Puissances Alliées, en 1918. Le Traité International de Sèvres de 1920, qui préconisait la création sur une partie du territoire du Kurdistan d'un Etat kurde, restera cependant lettre morte. Le 24 juillet 1923, un nouveau traité fut signé à Lausanne, qui consacrait l'annexion de la majeure partie du Kurdistan au nouvel Etat turc. Auparavant, la France avait annexé à la Syrie, placée sous son mandat, deux provinces kurdes. Le Kurdistan iranien vivait en état de quasi-dissidence par rapport au pouvoir central persan. Restait encore en suspens le sort de la province kurde de Mossoul, très riche en pétrole.

Ainsi fin 1925, le pays des Kurdes, connu depuis le XIIème siècle sous le nom de "Kurdistan", se trouvait partagé entre 4 états : Turquie, Iran, Irak et Syrie. Et pour la première fois de sa longue histoire, il allait être privé même de son autonomie culturelle.

Victime de sa géographie, de l'Histoire et aussi sans doute du manque de clairvoyance de ses propres dirigeants, le peuple kurde a été sans doute la population qui a payé le plus lourd tribut, qui a souffert le plus du remodelage de la carte du Proche-Orient.

Extraits d'une conférence de Kendal Nezan, Président de l'Institut kurde de Paris.

 

Et aujourd'hui ?

De nombreux épisodes guerriers se sont succédé au cours du siècle dernier : révoltes dans les années 30, république du Kurdistan éphémère en 1946, instabilité irakienne dans les années 60, coups d'état, années 80 marquées par la guerre irako-iranienne. L'état irakien de Sadam Hussein va violemment vouloir éradiquer la question kurde : destruction de 90% des villages, internement d'1,5 million de civils kurdes, usage d'armes chimiques à Halabja, ville martyre du Kurdistan. Deux millions de Kurdes vont se réfugier dans le Kurdistan irakien autonome, sous l'égide des Nations Unies.

Autre trajectoire pour les Kurdes de Turquie. La résistance nationale kurde fut très discrète jusqu'à l'émergence du PKK, Parti des Travailleurs de Abdullah Öcalan, en 1978. La lutte armée va reprendre dès 1984, s'est poursuivie dans les années 1990, puis contre les peshmergas irakiens en 1992-1993. Après l'arrestation d'Öcalan, en 1999, le parti décida de chercher une solution politique dans le cadre d'une Turquie démocratique. Ce n'est toujours pas chose faite, et les emprisonnements arbitraires, y compris d'élus kurdes légitimes sont monnaie courante. Partis dissous, représailles, arrestations et déportations y compris sur le territoire européen, assassinats comme en janvier 2013, autant d'épisodes sombres qui laissent à penser que la question kurde est loin d'être résolue.

En Iran, les Kurdes se sont vu déclarer la guerre par l'Ayatollah Khomeiny en 1979. Les leaders kurdes du PDK-Iran vont être assassinés. Un dialogue dit constructif a repris par la suite, mais c’est pourtant en Iran que la situation des Kurdes reste la plus dramatique.

Avec ses deux à trois millions de Kurdes (peut-être plus, peut-être moins), le Kurdistan syrien, appelé Kurdistan occidental (en kurde : Kurdistana Rojava), deviendra-t-il une réalité géographique, politique et économique ? A l’image du Kurdistan oriental, devenu province fédérale du Kurdistan irakien - économiquement et politiquement stable. Mais le conflit en cours en Syrie a bien d’autres enjeux. Jusque lors, une partie des kurdes syriens n’ont pas la nationalité syrienne et sont donc des « sans-papiers ».

Les Kurdes parlent des dialectes proches les uns des autres, tous issus du kurdelangue indo-européenne de la branche iranienne: le sorani au Kurdistan du Sud et de l'est, le kurmandji  dans les quatre parties, le zazaki au Kurdistan du Nord, et d'autres dialectes sont parlés au Kurdistan tels que le lori, le laki, le gorani, etc. Comme une conséquence de la division du Kurdistan entre plusieurs Etats, la langue kurde est écrite en trois alphabets distinct : latin, cyrillique, arabe. La majorité des Kurdes est sunnite (80 %), mais il existe d'autres croyances tels que l'alévisme, le yézidisme, le zoroastrisme, le christianisme, le judaïsme (actuellement en Israël) et dans une plus faible proportion le chiisme.

 

Et côté cinéma ?

Le plus connu des cinéastes kurdes, Yilmaz Güney, qui filme la Turquie des années 60 et 70, dépeint les Kurdes sans jamais les nommer, censure oblige, dans un cinéma de la marginalité qui met aussi en scène les femmes et les couches sociales déclassées.
Yol, Le troupeau, Elégie, Espoir restent des chefs-d'œuvre.

La double évolution, régionalisation de la question kurde et constitution d'une diaspora kurde semblent être à la base d'une nouvelle représentation artistique des Kurdes.
Cinq grands films illustrent cette quête : Beko de Nizamettin Ariç, Kurde de Turquie, Un temps pour l'ivresse des chevaux du Kurde iranien Bahman Ghobbadi, Tableau noir de l'iranienne Samira Makhmalbaf, Vive la mariée... et Passeurs de rêves de Hiner Saleem.
Il faut citer aussi le Kurde syrien Mano Khalil, et parmi les talents confirmés aujourd'hui, le Kurde de Turquie Kazim Öz.
La diaspora kurde a établi un important festival de films kurdes à Londres.

Notes cinéphiles d'après Hamit Bozarslan - 2003

Quelques pistes bibliographiques kurdes...

Crédits photographiques : François Legeait - francoislegeait.blogspot.com