Gulya Mirzoeva
Gulya Mirzoeva a toujours sautillé entre deux cultures, entre deux frontières, comme on joue à la marelle. Culture tadjik, culture russe.
Puis la France, puisque les amours sont ainsi…
Entre deux mondes, entre deux documentaires, en quête de repères.
Entre deux cadres qu’elle soigne avec talent. Images-mouvements.
Entre deux scénarios de fiction qu’elle peaufine sans cesse.
Entre deux poèmes, parce que la vie est ainsi.
Gulya grandit au Tadjikistan, république socialiste soviétique, capitale Douchanbé, au sein de l’URSS, entre une mère chercheuse et un père poète, fervent communiste. Puis, à Moscou, elle étudie la littérature, la philosophie, la traduction, et même des leçons de cinéma avec de grands pionniers soviétiques. Gulya va de découverte en découverte. Lit Gargantua de Rabelais, Baudelaire et Rimbaud en russe – plus tard elle les redécouvrira en français –, Boulgakov et Gogol, qui la fascinent.
Sa soif d’écrire est immense, alors elle multiplie les scénarios et ses amis les tournent dans les studios d’État Tadjik Films de l’époque. Jusqu’au jour où, le réalisateur pressenti étant malade, elle passe à la réalisation. C’est le grand saut, qui lui laisse un souvenir ému, un court-métrage de dix minutes sur deux clochards de Douchanbé, Duo, en 1989. « J’ai su ce jour-là que je ne pourrais plus me passer de tourner des films. »
Chute et dissolution de l’URSS en 1991. C’est aussi l’année où Gulya tourne Shabbat, un film auquel elle reste fortement attachée, sur les Juifs de Boukhara, en Asie centrale. Elle filme cette minorité qui s’exile en Israël, qui quitte un monde pour un autre.
Guerre civile au Tadjikistan en 1992. Entre-temps, Gulya a sauté à pieds joints par-dessus la frontière française, sur la case «Je tombe amoureuse d’un Français », et doit s’adapter à cette troisième culture. « Je n’ai pas l’impression d’avoir fui, jamais, je me suis toujours adaptée, entre deux mondes, mais avec la volonté chevillée au corps de faire des films. »
Alors suivront Derrière la forêt, en 1999, un merveilleux film musical et ethnographique, puisqu’il s’agit des bergers tadjiks autrefois nomades, sédentarisés en Turquie, musiciens et troubadours… Gulya continue l’introspection avec Retour à Douchanbé en 2000, et plus tard, dans la même veine, Où es-tu, Elvira ? en 2007, une quête pour retrouver une Russe-Allemande exilée…
Déjouer les tours et détours de la grande histoire, scruter l’entre-deux, dénouer les silences, ainsi avance Gulya. Pas à pas, avec toujours l’envie de sauter à cloche-pied par-dessus les lignes que des politiciens ont arbitrairement tracées. Le Temps des frontières, en 2006, en est l’illustration savoureuse. Au rythme lent de ceux qui vont vendre au marché, nous comprenons combien ces barrières parfois infranchissables ont bouleversé tout un équilibre. Des vies dans la marge.
La même année, Gulya nous offre un petit bijou : Sept jours de la vie du Père Noël, chronique douce-amère d’un couple de comédiens de Saratov, une cité russe au bord de la Volga, qui tentent de survivre dans une ville qui s’adonne aux fastes de fin d’année. Perte de repères ? Tendresse comme un bastion à la misère. Que traque encore Gulya, entre deux portes dans l’appartement étriqué ? Sa caméra se fait très intimiste, elle pénètre partout.
« C’est moi qui fais le cadre, un privilège que je ne laisse à personne, j’y tiens beaucoup. » Héritage soviétique ?
« C’est ce monde que l’on crée en filmant, entre le monde réel et le monde filmé, que je traque sans cesse. Ce que l’on crée, recrée. Quand j’ai découvert les écrits de Deleuze sur l’image-mouvement, je l’ai lu jour et nuit. Plus lâché !
Je ne suis dupe de rien aujourd’hui, je m’escrime à écrire des films qui ne trouvent pas toujours preneurs, je gagne ma vie en traduisant. Je continue de rêver et de travailler à une fiction, pas simple avec mon étiquette de documentariste qui me colle à la peau.
Mais la force de mon désir est si grande… »
- Sept jours de la vie du Père Noël, chez Mille et une Films :
http://www.mille-et-une-films.fr/node/58
- Le Temps des frontières, chez Mille et une Films :
http://www.mille-et-une-films.fr/le-temps-des-fronti-res - Une carte de Philippe Rekacewicz, du Monde diplomatique, pour comprendre la complexité de cette région d’Asie centrale, et du Tadjikistan en particulier :
Deux auteurs russes repères pour Gulya :
- Gogol et ses Œuvres complètes
Boulgakov : Le Maître et Marguerite
Films écrits et réalisés
2017 Le savant, l'Imposteur et Staline - Comment nourrir le peuple, Documentaire, 56'
2014 Afghanistan 79, la guerre qui a change la face du monde
Documentaire, 52 min
Production Point Du Jour /Arte France
2011 Mikhaïl Gorbatchev, simples confidences
Documentaire, Beta numérique (deux versions de 43 et de 55 min)
Production .Mille et Une. Films / Arte France /Focus Pictures
2011 Les habits des tadjiks (la collection Tous les habits du monde)
Documentaire, HDV 26 min
Production Point Du Jour /Arte France
2010 La télé des tadjiks (la collection Toutes les télés du monde)
Documentaire, HDV 26 min
Production Point Du Jour /Arte France
2007 Où est tu, Elvira ?
En 1971 Elvira, une fille russe-allemande, la copine de classe de Gulya Mirzoeva, a quitté le
Tadjikistan pour émigrer en Allemagne de l’Ouest. En cherchant la trace de cette fille, les
auteurs du film retrace l’Histoire des Allemands de la Volga arrivés en Russie au 18 siècle à
l’appel de la Grande Catherine et déportés en Asie centrale en 1941 par Staline.
co-réalisation avec Gisèle Rapp-Meichler
Documentaire, Beta numérique 52 min
Production LGM Films
France 3 Alsace
2007 Sept jours de la vie du Père-Noël
Tous les ans autour des fêtes de la fin d’année Igor, acteur de théâtre de Saratov (Russie),
travaille comme Père Noël pour gagner de l’argent.
Documentaire, Beta numérique 58 min
Production Mille et Une Films / Arte France
2006 Le temps des frontieres
Comment les ex-républiques de l’Asie centrale soviétique appréhendent leur indépendance en
renforçant leurs frontières.
1Documentaire, DV 52 min
Production Mille en Une Films/Arte France
2005 Promenade d’architecte (du Boukhara à Douchanbé)
Découverte des villes de la Route de la Soie.
Documentaire, 26 min
Production France 5, CNDP
2002 Les chroniques d’un atelier du chant
Pendant dix mois (de septembre 2001 au juin 2002), l’équipe du film suit la vie et le travail
des huit chanteurs lyriques. Venus de huit pays différents, ils forment la quatrième promotion
de l’atelier "Jeune Voix du Rhin " de l’Opéra National du Rhin.
Documentaire, DV / Beta, 52 min
Production Carmin Films / France 3 Alsace.
2001 Martin Gester : la passion du baroque
Le travail minutieux et passionné d’un chef d’orchestre.
Documentaire, DV / Beta, 52 min
Production Carmin Films / France 3 Alsace
2000 Retour à Douchanbé
Le retour dans une ville après la guerre civile.
Documentaire, Beta numérique, 64 min.
Production Les Films de l'Observatoire / La Sept-ARTE
1999 Derrière la forêt
Un musicien de village du Sud-Ouest de la Turquie part chercher un vieil ami pour organiser
une fête.
Documentaire co-écrit avec Jérôme Cler, 35 mm, 75 min.
Production Les Films de l'Observatoire / E-motion picture Baden-Baden /
ZDF-Das kleine Fernsehspiel pour ARTE
1992 Angel (ange)
Une journée d’un garçon de huit ans dans une banlieue lointaine de Moscou.
Documentaire, Beta vidéo, 10 min. Production TV Ostankino (Moscou).
1991 Shabbat
La communauté juive de Boukhara, au moment des grandes migrations vers Israël et les
États-Unis.
Documentaire, 35 mm, 30 min. Production Studios Tadjikfilm.
1990 Ia vizu niebo (je vois le ciel)
Un regard poétique sur le destin de Bobard, compositeur tadjik du Moyen âge.
Documentaire, 35 mm, 10 min. Production Studios Tadjikfilm.
1990 Deus conservat omnia
Un jour dans une usine où travaillent des aveugles.
Documentaire, 35 mm, 10 min. Production Studios Tadjikfilm.
1989 Dvoe (duo)
Le quotidien de deux vieillards russes misérables, à travers leurs conversations, leur passé, et
un amour qui a illuminé l'existence de l'un d'entre eux.
Documentaire, 35 mm, 10 min. Production Studios Tadjikfilm.