Bouard Françoise Blanchard Régis

ou l'art de la rencontre...

Françoise et Régis se veulent passeurs de réel. D’une exploration en quatre films de la société turque et kurde, dans toute sa complexité, ils sont passés à des films sur des engagements citoyens autour d’eux, en Bretagne. Soucieux de partager toutes les histoires, ils forment aussi à la réalisation, au sein d’un collectif, les gens de leur territoire morbihannais. Et continuent de rêver à leur prochain film, au Burkina Faso. Encore une étape, pour ces explorateurs des marges sensibles…

Leur rencontre est déjà un film à elle toute seule. Régis est amoureux de la Turquie, il y vit depuis deux ans et exporte de l’artisanat. C’est en essayant de vendre un kilim ancien à Françoise que leur histoire va se nouer, tapis oblige ! Puisqu’elle lui parle de son envie de documentaire, il la prend au mot. Chiche ! Filmons en Turquie ensemble. Elle lui répond que la condition féminine locale ne lui semble pas répondre encore tout à fait à ses critères personnels. Alors, pourquoi ne pas aller voir par elle-même ce qu’est réellement la Turquie, loin des cartes postales et des clichés des médias ? Ils réalisent alors ensemble, de manière amateur mais enthousiaste, leur premier film, Le Regard des cigognes. À leur retour, le regard éclairé de Paul Cornet, alors en charge d’Odysséus Productions, va les encourager à continuer. Et ces deux-là ne vont plus arrêter…

Ils vont s’attacher aux destins des communautés kurdes et turques dès Yürü !, en 1997, le parcours d’émancipation d’une jeune femme turque arrivée à Vannes. Puis, en 2001, Un hiver à Istanbul, une bouleversante plongée parmi les prisonniers turcs, marxistes le plus souvent, et kurdes, dans les geôles de Turquie. Situations complexes, ampleur de leurs revendications, grèves de la faim meurtrières… Ces protestations en tout genre de citoyens de Turquie ne parviennent que de loin en loin à nos rédactions françaises, tractations économiques et diplomatie européenne obligent.
Confrontés à la violence de l’État turc, Françoise et Régis continuent à explorer ce territoire de la dignité humaine, à pratiquer cet art de la rencontre, loin de tout manichéisme facile.

Sur la faille, en 2004, revient sur les survivants du tremblement de terre dans la région d’Izmit. Avec Les Couleurs lointaines du bonheur en 2009, c’est l’intimité d’exilés à Istanbul que les deux réalisateurs nous font partager, explorant ces questions de fragilité, de résistance, de destins à la marge. Pour cela, ils ont gagné la confiance des jeunes Kurdes qu’ils filment, des familles. Un long travail en immersion qui porte ses fruits. Le domaine du sensible, loin des diatribes politiciennes.

Puis surviendra la décision de filmer dans leur pays, en Bretagne, au plus près de ceux avec qui ils vivent, de leurs enfants aussi. Toujours l’engagement, différemment. Même pas peur (2010) accompagne une troupe amateur de Brest, pour qui théâtre rime avec lutte. Ondes fragiles (2013) raconte la bagarre pour tenir à bout de bras une radio associative, Plum FM, et l’investissement humain d’un de ses animateurs, éducateur spécialisé, pour donner la parole aux laissés-pour-compte. Faire tomber les étiquettes qui leur collent à la peau, refuser les cloisonnements.

À côté de leurs films, Françoise et Régis ont construit un beau projet collectif : partager une expérience de création documentaire avec des amateurs. L’association Les Passeurs d’images et de sons est donc née à Sérent, en Morbihan, là où ils vivent. Les ateliers de formation alternent avec des publics différents, demandeurs d’emploi ou retraités, jeunes, salariés récemment licenciés… Leurs créations collectives sont directement en prise avec leur réalité, aboutissant ainsi à une jolie collection de portraits, projetés en public par la suite. Un vrai maillage, un travail de diffusion du documentaire en profondeur.

Dans les interstices de tous ces tournages, Françoise et Régis continuent de rêver à leur film au Burkina Faso, qu’ils voudraient tourner sur une durée longue, avec les enfants des rues de Bobo-Dioulasso, tout en menant avec eux des ateliers de cinéma.
Exigeant projet, à vivre en famille, une étape de plus dans le parcours engagé et singulier de ces deux réalisateurs.

Les Passeurs d’images et de sons :
http://lespasseurs.fr
Initiée en 2005 par Françoise Bouard et Régis Blanchard, Les Passeurs d’images et de sons est une association basée à Sérent qui œuvre à la production de films documentaires ou de fictions, réalisés en ateliers avec des publics amateurs accompagnés de réalisateurs professionnels.
Chacune de ces réalisations est l’occasion pour des personnes de parler de leur réalité tout en s’impliquant sur leur territoire de manière citoyenne à travers la création audiovisuelle.

Découvrez par exemple les portraits de Matao, animateur en gallo : https://vimeo.com/71159102
et d’Annabelle, bercée entre Israël et France : https://vimeo.com/70888467


Pour prolonger le voyage au Kurdistan :

  • Conflit kurde, le brasier oublié du Moyen-Orient, de Hamit Bozarslan, éditions Autrement
  • Il neige dans la nuit, de Nâzim Hikmet, Gallimard
  • Neige, d’Orhan Pamuk, Gallimard
  • Contes de la montagne d’ordures, de Latife Tekin, Stock


Des sites, à Rennes et à Paris :
http://www.amitieskurdesdebretagne.eu/
http://www.institutkurde.org/

FILMOGRAPHIE

  • 2014 : Ondes fragiles
  • 2010 Même pas peur... 88’
    Les Piqueteros sont neuf comédiens amateurs de Brest pour qui théâtre rime avec engagement. Neuf parcours de vies différents pour neuf personnalités bien forgées, ici rassemblées dans une aventure collective et singulière : écrire collectivement une pièce de théâtre sur le monde du travail.
  • 2009 Les couleurs lointaines du bonheur 52’ et 85'
    Les destins parallèles de deux jeunes kurdes exilés à Istanbul. Rodi lutte à travers la photographie et le cinéma documentaire pour parler des siens et préserver sa culture ancestrale. Deniz, elle, se bat pour en faire tomber les carcans qui emprisonnent les femmes.
  • 2004 Sur la faille 60’ - (Régis Blanchard seul )
    Quatre années après le terrible séisme de 1999 à Izmir-Turquie, le réalisateur revient sur les lieux du drame qu’il avait vécu et filmé alors. Que sont-ils devenus ? Comment se sont-ils reconstruits ?
  • 2001 Un hiver à Istanbul 59’
    À Istanbul, de l’automne 2000 au printemps 2001, pendant les grèves de la faim des prisonniers politiques contre l’isolement cellulaire. Le quotidien combat mené pour les Droits de l’Homme et la Démocratie en Turquie...
  • 1998 Yürü ! (Suis le chemin !) 60’
    Dans la recherche de son émancipation, Fatma, 24 ans est partagée entre le respect de sa famille et de sa communauté turque à Vannes, et l’indépendance de sa vie.