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Corses

  

Corses

 

La Corse est la quatrième plus grande île de la Méditerranée, située dans son bassin occidental. Sa superficie totale est de 8 680 km² et elle compte une population de quelque 340 000 h aujourd’hui (2021). La distance entre les deux extrémités du Cap Corse aux Bouches de Bonifacio est d’environ 183 kilomètres. Sa plus grande largeur est de 84 kilomètres. Le système orographique de l’île ne forme qu’un chaos de montagnes aux pentes diversement inclinées, elle se compose d’une chaîne principale qui forme la charpente de l’île, et à laquelle viennent se relier une multitude de chaînons secondaires. Son point culminant est à 2 710 mètres, son altitude moyenne est de 568 mètres.

La largeur de la Corse étant très petite par rapport à l’élévation de ses montagnes, les cours d’eau n’ont à franchir que de faibles distances, tandis qu’ils descendent de hauteurs considérables. Ce sont par conséquent des torrents plutôt que des fleuves. Les deux principaux sont le Golo et le Tavignano.
Sa position en latitude et sa situation maritime prédisposent la Corse à jouir d’un climat essentiellement méditerranéen. Le couvert végétal est essentiellement constitué de maquis et de forêts (pinèdes, hêtraies, châtaigneraies).

HISTOIRE

On peut faire remonter l’histoire humaine en Corse à partir du Mésolithique (10 000 ans). Ce sont surtout les régions méridionales qui ont livré les témoignages les plus nombreux d’une population de chasseurs-pêcheurs pratiquant la cueillette, avant de connaître l’agriculture et l’élevage qui marquent le passage dans une économie de type néolithique vers les débuts du VIe millénaire. Plus tard, les sociétés de l’âge du Bronze entretiennent des liens très étroits avec la Sardaigne nuragique et l’Italie péninsulaire.
Dans l’Antiquité, la Corse est située à la croisée géographique de tous les espaces commerciaux occidentaux : Étrusques, Phocéens, Puniques et Romains s’installeront dans l’île, avec plus ou moins de fortune. La première mention de l’île est faite au VIe siècle.
Vers 560 av. J.-C, avec le comptoir d’Alalia (actuelle Aléria) qui était un relais entre Marseille et le détroit de Sicile, l’île s’ouvre à nouveau sur la Méditerranée et son foisonnement de cultures. En 259., les Romains y fondèrent deux colonies – Aléria et Mariana – vers 90 - 80 av. J.-C. Tournée vers le dehors, l’économie coloniale a contribué à affirmer le littoral par rapport à l’intérieur de l’île.
Grégoire le Grand, dès le VIe siècle, se préoccupe de protéger l’île en manifestant le souci de l’évangéliser. Mais le harcèlement des razzias sarrasines poussa la papauté à demander d’abord l’aide des marquis de Toscane pour exercer sa mission, puis elle confia la Corse à l’archevêque de Pise à la fin du XIe siècle. Une trêve d’un peu plus d’un siècle s’ensuit en Corse, propice à la construction d’édifices, d’églises ou de ponts, et à un commerce fructueux avec la Toscane.
À l’aube du XIIe siècle, un certain nombre d’habitats apparaît dans la documentation écrite, surtout en Balagne. Pour chacun d’eux, il n’existe pas d’indices d’une occupation du site même ou de ses environs immédiats durant l’Antiquité tardive et le haut Moyen Âge.
Après la bataille de la Meloria au large de Livourne en 1284, l’effondrement de Pise consacre la suprématie de Gênes. Jusqu’au XVIIIe siècle, la Corse est sous domination génoise. Elle connaît trois siècles de révoltes.
En 1729 s’ouvre une période de troubles avec le déclin de Gênes comme puissance méditerranéenne. Pascal Paoli est élu général de la Nation corse en 1755, et organise un gouvernement. Une constitution est adoptée dont l’exécutif appartient à Paoli et le législatif est géré par une assemblée générale (Consulta), élue au suffrage universel. En 1763, il chasse les Génois, crée une monnaie, et ouvre une université à Corte. Le 15 mai 1768, Gênes cède la Corse à la France par le traité de Versailles. Paoli proclame une levée en masse. Le 7 octobre 1768, les Français sont battus à Borgo. Mais le 8 mai 1769, les Corses sont battus à leur tour lors de la bataille de Ponte Novu. Paoli s’exile en Angleterre et la Corse est alors annexée à la France de l’Ancien-Régime puis intègrera la République.
Le 15 août 1769, Napoléon Bonaparte voit le jour à Ajaccio. Si Napoléon est l’objet d’une immense bibliographie et demeure le Corse le plus célèbre de tous les temps, c’est néanmoins Pasquale Paoli, Babbu di a Patria (père de la nation), qui aujourd’hui bénéficie d’un attachement plus grand au sein d’une majorité de la population, dans la mesure où son action au service de la Corse est jugée plus directe, totalement ancrée et, surtout, la plus à même de constituer une référence pour l’avenir de l’île.
En 1943, les Corses chassent les occupants italiens et allemands ; l’île est le premier département français à se libérer.
La Corse s’est vu attribuer depuis 1982 le statut particulier de collectivité territoriale, et depuis 1992, l’administration de la Région est rattachée à un Conseil exécutif qui est aujourd’hui de 9 membres et à une assemblée territoriale de 63 personnes élues au suffrage universel. Depuis 2017, après la suppression de ses deux départements, l’île constitue une collectivité unique à fortes compétences décentralisées.

DERRIÈRE LA LANGUE, UN PROJET DE SOCIÉTÉ

Le corse est la langue vernaculaire des Corses. Il fait partie de ces « petites langues » ou langues minoritaires/minorées qui ont besoin d’être soutenues socialement et de façon institutionnelle pour ne pas disparaître dans le grand laminoir de la mondialisation. Son caractère de « langue en danger » est notifié par l’Unesco.
Il est parlé dans sa variation dialectale dans toute l’île et parmi les nombreux Corses installés ailleurs (notamment en France continentale). Il ne jouit pas pour autant d’un statut d’officialité dans l’île de Corse dont la seule langue officielle est le français. Pourtant, en 2013, la Collectivité de Corse (assemblée régionale décentralisée), votait avec une forte majorité un principe favorable à une coofficialité entre le corse et le français.
Pour autant, depuis une cinquantaine d’année son statut et son respect ont fortement évolué. Cela est dû à une très forte volonté des Corses en faveur de leur langue historique. Cette volonté est relayée par des institutions qui se sont décentralisées depuis les années 1980 sous la forte poussée autonomiste et/ou nationaliste corse qui a affirmé une action politique qui a pris durant trente ans des formes violentes.
Les enquêtes sociolinguistiques montrent une situation paradoxale où le corse bénéficie d’un fort soutien populaire mais continue sa lente érosion dans les milieux sociaux et familiaux. En revanche, il progresse nettement dans l’enseignement, les médias et la littérature.
Pour de nombreux Corses, les enjeux de sa sauvegarde dépassent le simple cadre patrimonial et sont liés à un projet de société nouveau, respectueux d’une diversité culturelle et environnementale.

Alain Di Meglio, Professeur des Universités - Université de Corse (2022)

Photographies : Laurent Billard